
L'ADRIMAP, Association pour le Développement du Risk Management Public, est un groupe de réflexion qui s'est donné
pour mission, avec ses experts et ses partenaires, d'identifier les risques encourus par les Pouvoirs Publics et de proposer
des méthodes de gestion efficaces de ces risques.
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EDITORIAL
Un pilote dans l'avion?
Un médecin près du malade?
Francois Vilnet
Président AVRIL 2024
Le principal rôle d’un pilote n’est-il pas de s’assurer de la bonne trajectoire et de minimiser les risques éventuels liés à l’environnement ou à l’avion ? Ce principe de base peut s’appliquer à n’importe quelle entreprise, organisation, voire individu. Il pourrait en particulier aux Etats, ce qui est généralement le cas mais ne semble pas être la situation en France depuis un certain nombre d’années. La récente erreur de Bercy sur la prévision de déficit budgétaire pour 2023 (à 0,6 points de PIB de déficit supplémentaire, excusez du peu !) montre que les trajectoires financières bien rodées ne sont plus l’apanage de nos grands esprits. Ce ne serait qu’un avatar parmi d’autres (baisse de recettes mal anticipée) si la trajectoire de la dette n’était devenue peu à peu incontrôlable, la France qui paresse et produit moins revenant derechef parmi les pays dits du ‘Club Med’, en gros les pays cigales de la Méditerranée. A un moment où les taux d’intérêt ont sensiblement monté, où les agences de notation s’interrogent sur une possible insoutenabilité et où l’Europe engage des procédures pour déficit excessif, la dette sera vite un souci et des réformes d’envergure indispensables, plus que de petites économies éparpillées. Avec des pouvoirs publics qui se vantent chaque jour de nouveaux avantages et distribuent sans barguigner les deniers de l’Etat, en n’annonçant que quelques fois dans l’année des restrictions ou des économies qui vont prendre du temps avant de se matérialiser ! Nous fêtons cette année les 50 ans du dernier excédent budgétaire, autant dire que la moitié de la population n’a pas connu une situation d'équilibre des finances publiques. Il faudra une nouvelle génération d,hommes politiques pour inverser la tendance d’un pays qui a le record mondial des dépenses publiques et de l’impôt.
A la métaphore du pilote, on pourrait ajouter en parallèle celle du médecin : sa mission n’est -elle pas de rassurer, de prodiguer des soins quel que soit l’état du patient, voire d’ordonner des traitements drastiques pour sauver le malade. Ce serait le cas pour la France qui, grand corps malade drogué à la dépense publique, aurait bien besoin d’une purge, à condition de trouver le bon médecin ou chirurgien. En effet, au-delà de la situation critique actuelle, de nouvelles dépenses pointent à l’horizon (Défense, Aide à l’Ukraine, Augmentation du service de la dette, Programme nucléaire, Amélioration des services publics, Transition climatique …) sans qu’elles soient financées ou gagées. Dans ce contexte morose, il est plus facile d’appeler à la guerre que de s’attaquer à la dette et de commencer à redresser le pays, et aussi d’empiler des réglementations et des lois parfois sur des sujets mineurs sans jamais faire l’analyse d’études d’impact.
La Cour des Comptes, qui n’a rien d’un pilote mais pourrait jouer un rôle de médecin bien que ses ordonnances soient rarement suivies d’effet, sort un nouveau rapport public sur la Modernisation de l’Etat qui fait bien le lien entre modernisation et réduction des dépenses publiques. En effet, la modernisation de l’Etat peut permettre sur le moyen terme de réduire les dépenses publiques si elle est conduite de manière forte et rigoureuse. La Cour dresse un constat d’échec mais ne délivre pas d’ordonnance à la hauteur des enjeux. En 2017, le gouvernement instituait une démarche de modernisation de l’appareil public, sous le nom ‘Action publique 2022’ sous la responsabilité de la DTIP (Direction Interministérielle de la Transformation Publique), succédant à la RGPP de 2007 (Révision Générale des Politiques Publiques) et pilotée par le CTIP (Comité Interministériel de la Transformation Publique). De nombreux chantiers ont été mis en œuvre depuis 7 ans, principalement en matière de numérique mais il y a des difficultés d’arbitrage (la modernisation nécessitant des investissements qu’il faut prioriser) ne semblent pas avoir abouti à des simplifications décisives et à des réductions de dépenses significatives. La fonction publique continue à embaucher. Les principales recommandations de la Cour sont de renforcer la mission (qui visiblement manque de poids), de la recentrer, de la simplifier (limiter l’effet usine à gaz), d’utiliser des outils modernes bien connues des entreprises (lean management, intelligence artificielle…).
Au-delà de cette mission dont les effets tardent à se faire sentir, le rôle d’un pilote est aussi d’évaluer les risques et de les minimiser. Cette politique de ‘Risk Management’ fait partie du management moderne et devrait faire partie selon l’Adrimap d’un chantier de modernisation de l’Etat digne de ce nom. En effet, non seulement le concept n’apparaît pas dans le rapport de la Cour mais la notion de risque n’y est même pas mentionnée alors qu’elle fait partie du quotidien de la plupart des fonctions de l’Etat et qu’il fui incombe de gérer sur le moyen terme (prévention) et non à court terme (gestion des crises). Ce qui apparaît dans le rapport de la Cour est une vision comptable et administrative, pas une vision prospective et dynamique. Nous pensons qu’il faut donner un élan à ce chantier de modernisation, avec une nouvelle mission ayant plus d’ambition, plus d’autorité, plus de prospective (recentrage des activités) et un spectre de réflexion plus large incluant les risques principaux encourus dans les diverses responsabilités de l’Etat.