Chaînes de transport: savoir analyser les risques

Le Rapport annuel d’Allianz Global Corporate & Specialty « Safety and Shipping » Review 2023

Le transport maritime représente 80 à 90 % du commerce international mondial. Sa bonne fin est assurée par les marchés. Mais les caractéristiques « catastrophiques » des événements qui affectent le transport maritime font que l’Etat ne peut s’en désintéresser, d’autant que le transport maritime relève du droit international, que le statut juridique de la haute mer est toujours en débat, et que les Etats ont un devoir de sécurisation du transport maritime (piraterie, routes de circulation, etc.).

Le Rapport annuel d’Allianz Global Corporate & Specialty est donc un inventaire utile des risques que l’Etat peut être amené à prendre en charge. Les principaux enseignements sont les suivants.

- 38 pertes totales en 2022 : les pertes annuelles de bateaux ont diminué de 65 % au cours de la dernière décennie (109 pertes totales en 2010).

- Un bateau sur quatre est perdu dans la zone de la mer de Chine du Sud ; le second lieu de perte est dans les mers qui baignent les Iles britanniques.

- 10 pertes sur 38 concernent le transport de marchandises.

- La cause principale de perte est l’incendie, loin devant la tempête.

- Pour les « incidents », les principales causes sont les avaries de machines.

Dans ses analyses spécifiques ou sectorielles, Allianz relève les facteurs de risques suivants :

- La chute des taux de fret, après le « pic » de 2020/2021, pose la question de la capacité de transport qui va redevenir excédentaire, avec la déconstruction de « vieux » bateaux (dans un futur proche : 1 million de containers EVP pourraient être recyclés). En même temps, la tendance au gigantisme des porte-conteneurs s’affirme : en 2023, l’OOCL Spain est lancé, avec une contenance de 24 188 containers (EVP), soit plus du double du Maersk Gertrud (10 000) lancé en 2005.

- L’accident de l’Ever Given, en mars 2021, bloquant le Canal de Suez, montre les dangers du gigantisme. La baisse des taux de fret peut également affecter l’investissement dans les mesures d’amélioration du bilan carbone du transport maritime.

- Le feu est la principale cause de pertes totales ou d’avaries communes. Le transport des batteries lithium-ion devient un péril certain, avec des incendies à l’intérieur des containers. Les difficultés de combattre un incendie dans les cales en mer sont évidentes. Allianz souligne que la cause principale d’incendie est la déclaration fautive du contenu des containers.

- L’assureur insiste également sur les menaces à la navigation et à l’environnement des containers perdus en mer (3 100 containers perdus en moyenne chaque année). Cela entraîne la responsabilité des Etats (et d’ailleurs, lesquels ?) dans le maintien de la sécurité de la navigation. Une nouvelle règlementation devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2026.

- La guerre en Ukraine a fait développer des scénarios de pertes de cargaisons du fait de l’immobilisation des bateaux. Les « sanctions » internationales ont provoqué la création de « flottes fantômes » de navires pétroliers qui pourraient atteindre 600 unités, sans assurance ni qualités suffisantes de navigabilité.

- La piraterie maritime serait à son plus bas niveau depuis 30 ans, notamment dans le Golfe de Guinée.

- En revanche, la navigation reste victime d’attaques électroniques (« cyber incidents »). Les 4 grandes compagnies de transport ont fait l’objet d’attaques « cyber » dans un passé récent.

Allianz considère que la «décarbonation» du transport maritime est en bonne voie (3% des émissions de gaz à effet de serre) et l’investissement dans les carburants alternatifs «décolle »

Dans sa cartographie, Allianz a souligné que l’Etat avait une responsabilité éminente dans la sécurité et la durabilité du transport maritime, notamment du fait de l’impact de cette activité sur la continuité des chaînes de production en France, et de l’importance prise par un transporteur français sur le marché mondial du fret.